Les yeux fermés
L’odeur d’été, mélange d’ombre fraîche, de marbre gris et de bois. Le hall, le grand miroir nu, la petite porte vitrée, bruyante, le colimaçon recouvert de rouge qui monte à droite, prometteur, et le radiateur inutile à gauche. En face de moi le double battant s’ouvre sur le tapis usé, persan, l’armoire, foncé, lourde, sans mystère, la petite desserte à roulettes, captive pour toujours devant le rectangle glacé. Les tableaux, déjà, partout sur les murs, invisibles. Fermeture condamnée vers la pièce où est la table dont les pieds sont ma maison, la moquette sans couleur verte, le buffet, à portée de ma curiosité, les sièges aux dossiers hostiles, le voile agrippant de la fenêtre, la petite table ronde qui est un reliquaire, ma chaise, sage, attendant le repas.
Mon territoire s’arrête là.
Après, plus loin, le couloir, la petite chambre du milieu, je n’aime pas, il y a des monstres. Les clowns emperruqués qui me retiennent en ondulant leurs bras de satin blanc, et l’autre, ce fils de yéti qui surgit, m’arrache à mon sommeil du haut de ses deux bras et me jette à terre de toutes ses forces.
Alors il faut bien que j’aille jusqu’au noir de la chambre du fond trouver la paix, au centre du grand lit, des parfums de vieillesse et des ronflements.